JOUR 1 – SAMEDI 15 MAI 2021

16H30

Au seuil de l’analogique et du numérique, l’art

Conférence donnée par John Blouin
Ces derniers temps, mon champ d’intérêt comme artiste et commissaire est le lien entre l’analogique et le numérique. Projectionniste. Un métier formidable que j’ai pratiqué durant 10 ans, et ma vie en fut changée. Être accompagnateur d’images, dans un moment unique où se transforme l’histoire du cinéma, de l’image, sous ses yeux par le passage de l’analogique vers le numérique. Être immergé dans la pellicule 35-16mm, dans le souffle de leurs projecteurs en fonte, puis des « tapes » VHS jusqu’au Betacam en passant par des piles de DVD, dans un chaos dansé. Tranquillement le numérique, de son HD à son 4K, occupa ce territoire… avec ses indéniables qualités et cette quête de la perfection. La cabine de projection devint de plus en plus silencieuse… du souffle du projectionniste aussi.
Cette mutation est fascinante… Elle se reflète dans plusieurs de mes territoires créatifs. Pour mieux saisir l’ère du numérique, nous ferons d’abord un pas de côté… avec des exemples de diverses artistes que j’ai côtoyés, et certains artistes de votre programmation. Par exemple, par l’effritement des pellicules déjantées de Bill Morrison, et par les œuvres picturales de Richard Kerr qui tisse leur beauté intrinsèque. Par la tradition des jeux d’ombres de Mere Phantoms, et les performances tout en glitch et en texture de Guillaume Vallée. Par les réactions lumineuses et colorées des escapades de nuits de Michael Flomen. Et par les photos grattées jusqu’à s’animer de Moïa Jobin-Paré.
Cette grande traversée se poursuit avec des artistes faisant de l’analogique et du numérique des vases communicants.
Comme Pierre Hébert qui a parcouru le geste du 16mm au full HD, jusqu’à la syntaxe de ces deux sphères. Comme Claudie Gagnon et Jacynthe Carrier, voyageant du 4K à la peinture comme présence pure. Comme André Forcier, transformant l’écriture en surréels faisceaux touchants écrans et gens. Comme Caroline Monnet et Ludovic Bonney, qui cachent sous le scintillement d’une centaine d’ampoules incandescentes, technologies et algorithmes des fissures. Comme Theodore Ushev, qui fait de chaque trait de peinture une danse autant réelle que virtuelle. Comme le collectif DTT, qui des mots de Gauvreau, harnache un théâtre technologique habité d’êtres et de pulsations.
Enfin, cette terre promise dite numérique qui, chose certaine, révolutionne les façons de faire et de voir.
Grâce à Sabrina Ratté qui brouille les pistes entre paysage inventé et construction humaine. Grâce à Falaise, qui nous font rentrer dans le corps leur performance digitale.

L’oculaire d’un télescope – même du plus gigantesque – n’est pas plus grand que notre œil.

Wittgenstein